Le Domaine Myrko Tépus
"C’est à ce moment-là que j’ai su que je deviendrai, moi aussi, un vigneron passionné."
Une histoire d'amour à la provençale
Ma première rencontre avec le vin s’est faite, selon mes souvenirs, chez un vigneron, Étienne Pochon, dans son domaine en Crozes-Hermitage. J’avais à peine 6 ans, les adultes étaient en train de savourer des crus dans la cave depuis 2 heures et moi, qui n’y comprenais rien et m’ennuyais, je lorgnais sur le vieux tracteur en panne qui tenait compagnie aux bottes de foin sous le hangar. Évidemment, il était indémarrable, mais avec les clés posées dessus, il devenait un monde du possible pour tous les enfants délaissés par les dégustations des adultes...
Je perçais bien plus tard le mystère de la dégustation, toujours en vallée du Rhône, mais cette fois-ci à Tain-l’Hermitage, en compagnie de vignerons en pleine saison d’ébourgeonnage. Ils avaient ramené plusieurs millésimes à faire déguster. Pour certains, c'étaient leurs tout premiers, tandis que d’autres en avaient déjà quelques-uns à leur actif. Mais tous avaient de la gravité dans le regard quand on goûtait leurs vins, attendant le verdict. Chacun nous expliquait les nuances des bouteilles dégustées. Certains avaient subi la grêle, d’autres se rappelaient exactement le jour de vendange du millésime : « Un jour de pluie, un jeudi... ». Ils étaient passionnés et transmettaient leur énergie. C’est à ce moment-là que j’ai su que je deviendrais, moi aussi, un vigneron passionné. Même si je suis issu d’une famille de marchands de vins, j’avais envie d’être en compagnie de ces gars, dans leur univers, et pouvoir faire un vin qui saurait être un catalyseur d’énergie et de rencontres passionnantes.
Des moments comme ça, il y en a eu plein par la suite, dans différentes régions de France, à la découverte des terroirs et de ceux qui les cultivent. Voilà pourquoi, après avoir eu plusieurs expériences dans différentes régions viticoles françaises (Loire, Provence, Lorraine), je décidais de passer un BPREA en viticulture au lycée agricole d’Hyères (83). Diplôme obtenu, je voulus m’installer en tant que vigneron dans ma région natale. En 2016, j’ai rencontré une connaissance de ma famille qui faisait un peu de vin à Esparron-de-Pallières. Il m’a mis en contact avec une famille de bergers qui vendait 12 hectares de vieilles vignes délaissées. Je sautais sur l’occasion car, ayant connaissance de la difficulté, sans trop de moyens, de s’installer en Provence, je pensais immédiatement qu'il serait possible de vendre une partie des raisins sur pied tout en vinifiant l'autre partie pour créer un début de gamme. Ma chance ? Les anciens propriétaires avaient refusé de rentrer dans les AOP coteaux d’Aix-en-Provence ou AOP coteaux varois en 1990. Du coup, le foncier était au prix d’un vin de pays. Cela éleva Esparron au rang de village résistant malgré lui à la pression foncière des AOP.
Situé à 460 m d’altitude, proche des gorges du Verdon, ce terroir fait de grès à reptiles sur les faces sud et argilo-calcaire sur les ubacs, dans une vallée où se font face la Sainte-Victoire et Les Bessillons, profite d’une amplitude thermique importante permettant des maturités douces et optimales qui confèrent au vin une grande fraîcheur. La majeure partie des vignes sont des vieux grenaches de 1954, plantés plein nord sur des limons argilo-calcaire. Ensuite viennent les carignans plein sud de 1962 sur des grès et des silex. Et 1 hectare de cinsault, 1 hectare d’ugni blanc, 20 ares de chardonnay et 40 ares de syrah.
L'activité du domaine Myrko Tépus
Les sols sont très variés, des sables au limon en passant par l’argile, toujours accompagnés de roches sédimentaires (grès à reptiles, calcaire rose, silex). Un travail méticuleux est appliqué dans les vignes, sans aucun intrant chimique et dans le respect du vivant : reformation en gobelet, greffage à l’œil, respect des flux de sève, etc.
À l’automne, des engrais verts (seigle, phacélie, orge, avoine, vesce, radis) sont semés dans l’inter-rang pour être ensuite fauchés au printemps. Les moutons de la ferme voisine viennent pâturer et leur fumier est utilisé pour amender les vignes. Lorsque cela est nécessaire, les vignes sont traitées au soufre et au cuivre, accompagnés de purins, tisanes, décoction et hydrolats de thym, laurier et romarin.
Côté cave, la vinification se fait sans aucun intrant, hormis de petites quantités de sulfite après la fermentation malolactique et un ajustement avant la mise en bouteille des vins. Les vins rosés et blancs sont pressés directement. Les macérations des vins rouges se font en grappes entières et en cuve béton pendant 8 à 15 jours.
Les élevages se déroulent en foudre et demi-muid, de 8 à 18 mois. À terme, l’objectif est de laisser reposer les vins deux hivers avant la mise en bouteille, suivi d’une année supplémentaire en bouteille avant la mise sur le marché.